Greffon et système immunitaire : le risque de rejet

La transplantation, dernier recours en cas de défaillance d'un organe vital, reste une opération lourde et une course contre la montre. La système immunitaire et son mécanisme jouent un rôle très important dans la transplantation d'organes, de plus qu'il faut ajouter la prise en compte de plusieurs types de compatibilités. Le contrôle de la réaction immunitaire du receveur contre le greffon a fait de sérieux progrès, tant et si bien qu’à court terme, le risque de rejet est aujourd'hui maîtrisé. A contrario, ce risque est, à long terme, encore source de recherches et de questionnements.



Le fonctionnement du système immunitaire

L’immunité fait référence aux mécanismes de défense d’un organisme vivant contre des agents étrangers, notamment infectieux, susceptibles de menacer son bon fonctionnement ou sa survie. L’ensemble des cellules, tissus et molécules qui opposent une résistance aux infections est appelé système immunitaire. Les organes et tissus lymphoïdes, autrement dit les organes composés de lymphocytes - les cellules effectrices de la réponse immunitaire adaptative -, sont dispersés dans l’organisme ; les cellules circulent dans et entre ces organes par le sang et la lymphe, un liquide incolore circulant dans les vaisseaux lymphatiques, lesquels parcourent tout le corps humain. Ce liquide contient un plasma proche de celui du sang. On y trouve des globules blancs, et notamment des lymphocytes, d’où son action prépondérante dans la défense de l’organisme. Les cellules communiquent entre elles soit par contact direct soit à distance par le biais de molécules sécrétées. Ces molécules sécrétées, solubles, sont appelées les cytokines. La réaction coordonnée de ces cellules et molécules porte le nom de réponse immunitaire. Sur le plan physiologique, le système immunitaire joue un rôle important pour prévenir les infections, éradiquer les infections déclarées et empêcher la prolifération tumorale. La réponse immunitaire se déclenche parce que le système immunitaire reçoit des signaux de danger, et que certaines cellules sont capables de reconnaître des motifs moléculaires associés aux pathogènes tandis que d'autres reconnaissent spécifiquement des molécules ou antigènes identifiés comme étant étrangers à notre organisme. On parle d’antigènes du non-soi. À l’inverse, la réponse immunitaire ne se déclenche pas en présence d’antigènes du soi, et en absence de signal de danger.



On peut schématiser en trois phases les mécanismes de reconnaissance immune au cours de la transplantation :

  • reconnaissance de l’organe comme un élément étranger : Les micro-organismes portent des molécules ou produisent des toxines que l'organisme reconnait comme étrangères, ce sont des antigènes. Les antigènes sont reconnus par les lymphocytes B et T.  Ils reconnaissent notamment l'antigène HLA, des molécules présentent à la surface des cellules qui permettent l'identification par la système immunitaire.  Le rôle du système HLA est de permettre la reconnaissance du non-soi par les cellules immunitaire et par conséquent déclencher une réaction contre le greffon. En effet, c’est en quelque sorte la carte d’identité d’un individu. Toutes les cellules qui composent un individu porte une “marque de fabrique” , elle est la même pour chaque cellules d’un même individu mais varie d’une personne à l’autre. Le marqueur HLA est hérité des parents à 50% de chacun d'eux.
  • activation des lymphocytes spécifiques des antigènes présentés par la greffon : Une fois la greffe effectuée le système de défense du receveur va vite s’apercevoir qu’un corps étranger a pénétré l’organisme, en effet, une variété de globules blancs - les lymphocytes B et T - va détecter la présence d’un marqueur HLA inconnu, ou la présence d'antigènes. Ces lymphocytes vont alors se diriger vers la rate et les ganglions où ils vont se transformer et se multiplier - la mitose - pour revenir vers l’intrus et l’éliminer. Les lymphocytes B sécrètent alors des molécules, les anticorps, qui se fixent sur les antigènes, les neutralisent et favorisent la phagocytose, un processus cellulaire par lequel les microbes et les cellules nuisibles sont détruits par les phagocytes - naturellement présents dans l'organisme, ils se composent de globules blancs, de macrophages et de cellules dendritiques : Parce qu'ils ingèrent des cellules altérées ou des corps étrangers, les phagocytes sont communément appelés les éboueurs de l'organisme -. Les lymphocytes T, eux, se transforment en lymphocytes T tueurs qui détruisent par contact les cellules de l'élément étranger.


  • phase de rejet proprement dite : Cette réaction immunitaire tardive faisant intervenir les lymphocytes B ou T est une réaction lente, généralisée, spécifique et efficace car dirigée contre un antigène précis. L'élément étranger est petit à petit détruit sur plusieurs jours.


La réponse immunitaire de la greffe peut être associée à la réponse immunitaire que l'on rencontre face à une bactérie, des micro-organismes ou encore un virus : 


Schéma du fonctionnement de la réponse immunitaire adaptative

(Explication vidéo à la fin de l'article)



image provenant de larousse.fr


D’autre part, il existe deux voies de présentation des antigènes au système immunitaire :

  • La voie de présentation directe : les lymphocytes T du receveur réagissent avec les molécules HLA étrangères des cellules présentatrices d’antigène (CPA) du receveur, apportées avec le greffon. 





Schéma de la voie de présentation directe de l'antigène aux lymphocytes


  • La voie de présentation indirecte : les lymphocytes T du receveur réagissent à des peptides antigéniques (des protéines) obtenus à partir des cellules du donneur (c’est-à-dire du greffon) et présentées par les CPA du receveur, portant ses propres molécules HLA. Ce mécanisme est similaire à celui observé lors d’infections bactériennes.

Une cellule présentatrice d'antigène (CPA) est une cellule du système immunitaire qui présente des parties d'éléments intrus à des lymphocytes T.



Schéma de la voie de présentation indirecte de l'antigène aux lymphocytes


CPA = Cellule Présentatrice d'Antigène

CMH = Complexe Majeur d'Histocompatibilité

Peptide = protéine

TCR = T Cell Receptor : Récepteur des cellules T 

Th = Lymphocytes T Helper



Le rejet est dû au non respect de trois types de compatibilité :

La compatibilité ABO (avec le cross match sanguin)

Il s’agit de la compatibilité entre les groupes sanguins du donneur et ceux du receveur. Il en existe quatre : O (donneur universel), A (donneur pour les groupes A et AB), B (donneur pour les groupes B et AB) et AB (receveur universel).

On privilégie généralement les isogroupes : donneur A vers receveur A, donneur AB vers receveur AB, etc. On néglige le rôle du rhésus.



images provenant de wikipédia.fr


Afin de vérifier cette compatibilité, les laborantins effectuent des tests notamment le cross-match sanguin : ils mélangent le sang du ou des potentiels donneurs avec celui du receveur et, si on obtient une solution homogène, alors les groupes sanguins sont compatibles, sinon ils ne le sont pas et la greffe est impossible


Test de compatibilité des groupes sanguins

image provenant de svt.ghediri.com



La compatibilité morphologique

Le poids et la taille du greffon jouent un rôle dans la réussite ou l’échec de la transplantation. L’organe prélevé doit être d’un volume égal ou légèrement inférieur à celui de l’organe remplacé.





La compatibilité tissulaire

C’est elle qui garantit en grande partie la réussite de la transplantation. Il s’agit de la compatibilité entre le greffon et le système HLA (Human Leukocyte Antigen) du patient. Ce système HLA correspond au complexe majeur d’histocompatibilité du genre humain. Le complexe majeur d'histocompatibilité est un système de reconnaissance du soi présent chez la plupart des vertébrés. 


Schéma de l'hérédité de l'antigène HLA d'un enfant par ses deux parents

image provenant de svt.ghediri.com


La principale complication de la greffe d'organe est le phénomène de rejet. Ce rejet va dépendre essentiellement de la réaction immunologique du receveur contre l'organe greffé.
Cette réaction de défense immunologique développée par le receveur est très proche de celle générée au cours de la défense contre une infection.


Il existe ainsi plusieurs types de rejets qu’il est nécessaire de distinguer les uns des autres :

Le rejet hyper aigu : Ce type de rejet intervient dans les heures suivant la transplantation, il apparaît au moment du rétablissement de la circulation sanguine entre le greffon et le receveur. Cette réaction se manifeste par la thrombose des vaisseaux irriguant le greffon : un caillot se forme dans les vaisseaux sanguins, l'obstrue et de ce fait, conduit à une forme de dégât cellulaire -la nécrose- qui mène à la mort prématurée et non programmée des cellules dans le tissu vivant. Ce type de rejet est dû à la présence d’anticorps pré-existant chez le receveur et dirigés contre les antigènes portés par le greffon.


Caillot de sang obstruant une veine 

image provenant de inserm.fr


Le rejet aigu cellulaire : Le rejet aigu survient au-delà du quatrième jour de greffe. Il apparaît essentiellement dans les trois premiers mois suivant la greffe avec un pic durant le premier mois. A l’origine de ce rejet, les lymphocytes T reconnaissent les antigènes du donneur. Ainsi alertés, ils prolifèrent, envahissent le greffon et le détruisent. Dans le cas de la greffe rénale, les principaux symptômes sont : fièvre, augmentation du volume ou de la sensibilité du greffon, prise de poids avec chute de la diurèse, apparition ou majoration d’une hypertension artérielle. 


  

Caricature provenant de renaloo.fr



Le rejet chronique : C’est la principale cause d’échec des greffes. Les médecines restent désarmés face à ce phénomène. S’installant insidieusement au cours du temps, le rejet chronique diminue la durée de vie des greffons. Sur une durée de plusieurs années, les greffons subissent des lésions et perdent progressivement leur fonctionnalité. Les mécanismes en cause, combinant réponse immunitaire (surtout humorale - Lymphocytes B et anticorps mis en jeu-), toxicité des médicaments et d'autres phénomènes biologiques ou infectieux, font encore l'objet de recherches. Le mécanisme est assez simple mais difficile à combattre. L’inflammation qui règne au niveau du greffon, même réprimée par le traitement antirejet, provoque une fibrose - transformation fibreuse de certains tissus - des vaisseaux dont les parois s’épaississent lentement. L’irrigation devient alors insuffisante et les fonctions de l’organe se détériorent.



Pour conclure, la réaction du système immunitaire face à l'organe greffé est comparable à celle mise en oeuvre en cas d'infection. Après une greffe, le système immunitaire du receveur tend inévitablement à détruire le greffon, élément étranger à l'organisme. Et ce, avec d'autant plus de force que les groupes tissulaires du donneur et du receveur sont éloignés. Cette réaction conduit alors au rejet du greffon, bien que le rejet hyper aigu et le rejet aigu cellulaire soient quasiment maîtrisés, grâce à de sérieux progrès en matière d'immunologie, le rejet chronique n'en reste pas moins la principale cause d'échec à la greffe. C'est pourquoi la prise en compte de plusieurs types de compatibilités, dont la compatibilité ABO, tissulaire et morphologique, est primordiale afin d'éviter ce phénomème de rejet. Ainsi, une anticipation et une prévention rigoureuses du rejet est nécessaire à la réussite de la greffe, elle se fait notamment avec l'intervention des traitements immunosuppresseurs.




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